La France a-t-elle réellement voté une résolution de l’ONU désignant Israël comme « seul violateur » du droit des femmes ?

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Le sujet est hautement sensible. Selon le député français Meyer Habib, la France aurait voté au sein des Nations unies deux textes désignant « Israël comme seul pays violateur des droits de la femme et de l’homme ». L’élu franco-israélien a exprimé sa « honte » dans un tweet publié le 28 juillet :

Deux jours auparavant, on retrouvait cette même information dans un article du site « i24news » avec ce titre : « Deux résolutions à l’ONU désignent Israël comme le seul pays violateur des droits de la femme ».

Cette assertion reprise de nombreuses fois sur les réseaux sociaux tend donc à affirmer que la France, au sein des Nations unies, aurait désigné l’Etat d’Israël comme étant le « seul pays » au monde à violer les droits des femmes, ce qui peut sembler surprenant.

POURQUOI C’EST PLUS COMPLIQUÉ

  • L’information circule via des canaux pro-israéliens

Meyer Habib est un député franco-israélien encarté à l’UDI (Union des démocrates et indépendants), élu de la 8e circonscription des Français de l’étranger qui recouvre des pays tels que l’Italie, la Grèce et Israël. Ami du premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, M. Habib est connu pour ses positions proches de la droite israélienne et sa défense acharnée de ce pays sur les réseaux sociaux comme à l’Assemblée nationale.

Dans son tweet, le député reprend quasiment mot pour mot le titre d’un article publié en anglais sur le site UN Watch, le 24 juillet (et repris en français par « i24news », la chaîne d’information internationale basée en Israël) : « L’ONU choisit Israël comme seul violateur des droits des femmes au monde. L’Iran, l’Arabie saoudite et le Yémen parmi les votants. » Selon cet article :

« L’Iran, l’Arabie saoudite, le Yémen et le Pakistan faisaient partie des 54 pays du Conseil économique et social de l’ONU (…) qui ont voté hier pour qu’Israël soit désigné comme le seul pays le monde qui viole les droits des femmes. L’Etat juif a été sévèrement et à plusieurs reprises condamné dans une résolution, adoptée 40 à 2 avec 9 abstentions et 3 absents pour avoir prétendument été le “principal obstacle” pour les femmes palestiniennes en ce qui concerne leur avancement, l’autonomie et l’intégration dans le développement de leur société. »

UN Watch, qui se présente comme une « ONG dont le mandat est d’assurer que l’ONU respecte sa propre charte et que les droits de l’homme soient accessibles à tous », n’est pas impartiale quand il s’agit d’Israël. Et elle le revendique. Selon elle, Israël souffre aux Nations unies d’une « attention disproportionnée » et d’un « traitement déséquilibré » en sa défaveur. En 2013, un article du journal suisse Le Temps s’interrogeait sur les méthodes et la réelle indépendance de cette ONG.

  • Les résolutions ne disent pas qu’Israël est le seul pays à violer les droits des femmes

Que contiennent précisément les textes incriminés ? Les deux résolutions dont il est question ont été adoptées le 23 juillet par le Conseil économique et social des Nations unies (Ecosoc). La première résolution, intitulée « La situation des Palestiniennes et l’aide à leur apporter », « réaffirme que l’occupation israélienne continue de constituer un obstacle majeur pour les femmes et les filles palestiniennes en ce qui concerne l’exercice de leurs droits ».

Une seconde résolution sur les « répercussions économiques et sociales de l’occupation israélienne sur les conditions de vie du peuple palestinien dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et de la population arabe du Golan syrien occupé » a aussi été adoptée. Elle pointe aussi la situation dramatique des femmes :

« Cette violence, qui se produit dans les rues et au sein des communautés, compromet la sécurité des femmes dans leur propre environnement, fait obstacle à l’exercice de leurs droits au quotidien et renforce le stéréotype selon lequel elles ont constamment besoin de protection et de supervision. »

Mais il n’est nullement mentionné que l’Etat d’Israël est le seul pays au monde à bafouer les droits des femmes.

Joint par Le Monde, Meyer Habib assume pourtant son tweet et met en avant « l’obsession anti-israélienne à l’ONU » alors qu’« Israël est l’unique démocratie du Moyen-Orient. » Le député UDI estime qu’il « est décevant que la France, le pays des droits de l’homme, s’associe avec des pays tels que l’Iran ou le Pakistan qui bafouent massivement les droits des femmes ». M. Habib insiste aussi sur le caractère « absurde » de ces résolutions adoptées par la France et réfute toute violence côté israélien :

« Je vois surtout que ces résolutions ne font pas du tout mention des exactions commises par l’Autorité palestinienne, en particulier contre les femmes. »

La France a bien voté en faveur de ces deux résolutions, comme l’a confirmé une source diplomatique auprès du Monde, mais elle ne s’est pas associée seulement à l’Iran ou au Pakistan, puisque d’autres pays de l’UE ont aussi approuvé les textes. Cette même source souligne que la résolution demande aussi aux Palestiniens d’appliquer la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, qu’ils ont ratifiée en 2014.

  • Une résolution qui ressurgit tous les ans

L’article d’UN Watch dénonce aussi le fait qu’Israël ait été le seul pays « visé en particulier » lors des discussions menées au sein de ce conseil. L’ONG a en partie raison. Depuis 2000, l’Ecosoc publie en ligne les principaux thèmes des débats abordés lors des sessions. On constate dans l’agenda que le point sur « les répercussions économiques et sociales de l’occupation israélienne sur les conditions de vie du peuple palestinien dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem, et de la population arabe du Golan syrien occupé » figure chaque année dans le programme de travail (par exemple en 2000, en 2006, en 2013).

Pourquoi cette question est-elle reconduite annuellement ? Joan Daes, doctorante en science politique à Sciences Po Grenoble et spécialiste du conflit israélo-palestinien, rappelle d’abord que « le point ne concerne pas Israël en tant qu’Etat mais qu’il analyse l’impact de l’occupation israélienne sur le peuple palestinien, ce qui est différent ». Elle estime que cette récurrence dans les débats du Conseil économique et social traduit le fait qu’Israël « n’applique pas les résolutions des Nations unies » :

« Cette occupation israélienne est l’un des plus longs cas d’occupation militaire de l’histoire contemporaine, et est considérée par une majorité d’Etats membres de l’ONU comme un cas de décolonisation non achevée. C’est la durée et la singularité de cette occupation qui peuvent expliquer pourquoi le point est reconduit car les résolutions votées ne sont pas appliquées sur le terrain et l’occupation se poursuit, voire s’accentue. »

Lire : Cinquante ans d’occupation illégale : comment l’Etat israélien encourage la colonisation de la Cisjordanie
  • Ces résolutions ne sont pas contraignantes

L’argument repris çà et là affirmant que la France au sein des Nations unies aurait condamné uniquement Israël occulte le fait que parler des Nations unies comme d’une seule entité est réducteur. L’ONU est constitué de six organes principaux, dont l’Ecosoc. Il est « le principal organe chargé de la coordination et du dialogue et de la prise de recommandations sur les questions économiques, sociales et environnementales ».

Au total, 54 membres en font partie, dont 18 sont élus annuellement par l’Assemblée générale pour des mandats de trois ans. En 2019, la France y siège aux côtés de nations telles que l’Iran, le Pakistan, l’Arabie saoudite et le Yémen. Joan Daes précise que « les résolutions adoptées par l’Ecosoc ne sont pas juridiquement contraignantes tout comme celles adoptées par l’Assemblée générale. Seules les résolutions du Conseil de sécurité ont un aspect contraignant ».

En résumé, il est incorrect de dire que la France a voté un texte condamnant Israël comme étant le seul pays au monde à bafouer les droits des femmes. Mais ces deux résolutions non contraignantes, adoptées par un organe consultatif de l’ONU, appellent le pays à mettre fin aux violations constatées des droits humanitaires au sein de la population palestinienne, en particulier chez les femmes.

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