« J’avais témoigné trop d’enthousiasme pour l’UE »

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« Le Monde » et moi. A l’occasion des 75 ans du quotidien, l’ancien ministre britannique des affaires européennes, qui a inventé le mot Brexit en 2012, explique qu’un portrait de lui dans le journal a signé la fin de sa carrière.

Propos recueillis par Publié aujourd’hui à 06h01

Temps de Lecture 2 min.

L’ancien ministre britannique des affaires européennes (Parti travailliste) Denis MacShane, le 23 décembre 2013.
L’ancien ministre britannique des affaires européennes (Parti travailliste) Denis MacShane, le 23 décembre 2013. CARL COURT / AFP

« Il y a de nombreuses raisons de mettre fin à une carrière de ministre. Dans mon cas, une photo du Monde est à blâmer. C’était en mai 2005, à la veille des élections britanniques – la troisième victoire remportée par Tony Blair malgré la controverse entourant l’invasion de l’Irak, qui plane encore aujourd’hui sur la politique du royaume.

Depuis le premier jour du gouvernement travailliste, en 1997, je travaillais dans l’équipe des ministres au Foreign Office presque exclusivement sur la politique européenne de Blair. J’ai écrit le discours en français qu’il a prononcé devant l’Assemblée nationale, à Paris, et j’ai dû faire face à la fureur du premier ministre, Lionel Jospin, devant l’alliance réformiste New Labour-Neue Mitte de Blair avec le chancelier Gerhard Schröder. J’ai trouvé le mot “souplesse”, parce que mon ami Pierre Moscovici m’a expliqué que le mot “flexibilité” n’existait pas dans la langue officielle du socialisme français. J’étais heureux de faire partie d’un gouvernement qui soutenait le projet européen et souhaitait l’avènement d’une Union européenne forte.

Un pas de plus

Las ! Le Monde a mis fin à ma carrière de ministre des affaires européennes. Le quotidien avait publié à plusieurs reprises des tribunes écrites par mes soins. Son correspondant au Royaume-Uni, Jean-Pierre Langellier, me citait souvent pour expliquer ce que faisait le gouvernement travailliste. Mais à la veille des élections de 2005, Le Monde a fait un pas de plus en publiant un portrait élogieux de ce ministre francophile et proeuropéen, avec une grande photo de moi en blazer vert et avec ma mallette rouge, qui est le symbole des ministres en Angleterre.

J’étais ravi en pensant à tous mes amis politiques en France. Dans la foulée, je suis entré dans le bureau de mon chef, Jack Straw, ministre des affaires étrangères. Jack avait passé la plus grande partie de sa vie politique, depuis sa jeunesse en tant que président du syndicat anglais des étudiants, à l’aile eurosceptique du Labour. Il a changé de position quand le Parti travailliste s’est rapproché du pouvoir, mais il ne fut jamais un grand europhile.

C’était un homme sympathique. Mais lors de ce rendez-vous, il m’a gentiment averti que j’avais témoigné trop d’enthousiasme pour l’Union européenne. Sur son bureau figurait en majesté Le Monde, avec le portrait et ma photo plutôt flatteuse. Son directeur de cabinet était en train de lui traduire l’article.

Il ne m’a rien dit sur le portrait, car celui-ci ne contenait aucune critique à son égard. Mais j’avais enfreint la première règle non écrite de toute carrière ministérielle : ne jamais bénéficier d’une meilleure publicité que votre chef, y compris dans un journal étranger. Une fois les élections britanniques remportées, je n’ai donc pas été reconduit comme ministre.

Peu importe. L’Europe des années Sarkozy et Barroso était en train de perdre son élan avec la crise financière de 2008 et la mauvaise gestion de l’Europe du Sud par la Commission européenne dès 2009.

Seul un imbécile en politique s’attend à être ministre pour toujours. En revanche, je n’avais jamais imaginé que mon portrait et ma photo dans l’un de mes journaux préférés marqueraient la fin de ma carrière de ministre de Sa Majesté. »

Denis MacShane a été le ministre britannique des affaires européennes sous Tony Blair, et député travailliste pendant dix-huit ans. Il a inventé le mot Brexit en 2012. La publication de son prochain livre, « Brexeternity » (I.B. Tauris), est prévue cet automne, au Royaume-Uni.

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