« A Londres, j’ose prononcer le mot Brexit au dessert »

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Correspondants de presse (2/12). Installé à Londres, le journaliste du « Monde » Philippe Bernard s’est trouvé au cœur de la tempête politique, chroniqueur de ses multiples rebondissements « dignes d’une série télévisée ».

Par Publié aujourd’hui à 06h02, mis à jour à 06h26

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YASMINE GATEAU

Ce matin de mai 2016, carnet de notes à la main, je pars à la rencontre des classes populaires du nord de l’Angleterre pour comprendre ce que le référendum sur le Brexit, prévu en juin, leur inspire. J’ai choisi le « Mecca Bingo » d’Acocks Green, dans la grande banlieue de Birmingham, une des nombreuses succursales de la principale chaîne britannique de casinos pour pauvres. En faisant les cent pas devant ce long hangar rehaussé des cinq lettres multicolores constellées d’étoiles de la marque qui promet des « gains de folie » à ceux qui peinent à terminer le mois, je ne crains qu’une chose : les visages vides, les bouches closes.

J’ignore que sur ce parking, je saisirai soudain ce qui se produira quelques semaines plus tard : 51,9 % des Britanniques claqueront la porte au nez des Européens, déclenchant un long séisme politique dans la plus vieille démocratie du monde.

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La surprise est que les clients, des gens modestes venus passer le temps devant les machines à sous en grignotant des croquettes de pommes de terre à 3,99 livres (4,37 euros), non seulement ne me fuient pas, mais souhaitent ardemment me signifier leur fureur. Avant même que j’aie articulé ma première question, beaucoup partent en vrille sur les immigrés est européens. « Ils rentrent par milliers pour nous prendre nos emplois », vocifère une charmante mamie. Ou sur les partisans de l’Europe : « Ceux qui défendent l’UE habitent dans les quartiers pour millionnaires et se fichent des gens comme nous, peste un chômeur. Ils mentent en annonçant des calamités si nous votons pour sortir, juste pour nous faire peur. »

J’ose prononcer le mot « Brexit » au dessert

Il est troublant pour un journaliste, dont les mots s’envolent aussitôt qu’ils sont lus, de sentir confusément qu’il « couvre » un événement destiné à entrer dans l’histoire. C’est probablement devant le « Mecca Bingo » que cette sensation prend de la consistance. A Londres, quelques jours plus tard, mon voisin, un avocat d’affaires aux manières parfaites, m’invite à dîner avec sa famille. Après d’interminables digressions sur la pluviométrie de la France et de l’Angleterre, j’ose prononcer le mot « Brexit » au dessert. A ma grande stupéfaction, je comprends alors que cet homme affable, qui roule en Renault et dont la sœur a épousé un Français, s’apprête à voter pour sortir de l’UE.

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