En Alaska, on peut être un repris de justice et être recruté dans la police

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A Stebbins, en Alaska, l’ensemble des policiers municipaux ont été condamnés au moins une fois ces dix dernières années.
A Stebbins, en Alaska, l’ensemble des policiers municipaux ont été condamnés au moins une fois ces dix dernières années. Bill Roth / AP

En Alaska, on peut être condamné pour violences conjugales ou agression sexuelle et être recruté dans la police. Selon une enquête publiée le 19 juillet par l’Anchorage Daily News, en partenariat avec ProPublica (organisme indépendant spécialisé dans le journalisme d’investigation), au moins quatorze villes de cette région septentrionale des Etats-Unis ont intégré des délinquants dans les rangs de leur police.

L’absurdité de la situation est digne d’un épisode de Fargo, la série télévisée inspirée du film éponyme des frères Coen. Ils seraient au total trente-quatre repris de justice à avoir ainsi rejoint les polices municipales de plusieurs villes de cette région, qui présente déjà le taux de violences familiales et d’agressions sexuelles le plus élevé des Etats-Unis. Dans huit autres communautés, les gouvernements tribaux locaux ont également engagé comme agents des individus condamnés pour violences conjugales ou crimes sexuels, écrit l’Anchorage Daily News.

Malgré six ans passés en prison, Mike Nimeron a été policier municipal dans sa ville natale de Stebbins.
Malgré six ans passés en prison, Mike Nimeron a été policier municipal dans sa ville natale de Stebbins. Bill Roth / AP

Parmi les policiers délinquants interrogés par le journal figure Mike Nimeron. Mike a purgé six ans de prison en Alaska et a un casier judiciaire bien chargé : violences conjugales, vol de véhicule, tentative d’agression sexuelle sur une femme inconsciente, etc. Aussi pensait-il « n’avoir aucune chance de devenir policier ». Il a tout de même tenté sa chance à la fin de l’année 2018 et envoyé sa candidature au commissariat de sa ville natale, Stebbins. A sa grande surprise, il a été embauché le jour même.

Mike Nimeron a été policier pendant près de trois mois, du 31 décembre au 29 mars. Il a depuis été remercié, car il ne répondait pas aux appels radio, explique la municipalité à l’Anchorage Daily News. Mais Mike Nimeron n’est pas le seul délinquant, loin de là, à avoir prêté main-forte aux forces de l’ordre dans ce petit village situé dans le détroit de Bering.

« Il était notre seul candidat »

« Rien qu’à Stebbins, les sept policiers en poste au 1er juillet ont plaidé coupables d’actes de violences conjugales au cours de la dernière décennie, précise le quotidien. Un seul a reçu une formation officielle en matière de maintien de l’ordre. Et l’actuel chef de la police a plaidé coupable en 2017 pour avoir jeté une adolescente à terre et l’avoir menacée de mort » alors qu’il était en état d’ébriété, dans un village où l’alcool est, en outre, interdit.

Dans des villages de pêcheurs, à Kasigluk et à Tuntutulia, des policiers ont été condamnés pour abus sexuels sur mineurs ; à Kwigillingok, un homme de 33 ans a travaillé au sein de la police tribale alors qu’il était soumis à une ordonnance de restriction à la suite de violences conjugales ; la ville de Shaktoolik a, elle, recruté un officier de police qui a plaidé coupable dans cinq affaires d’agressions au cours des dix dernières années. « Il était notre seul candidat et nous n’avions pas d’autre choix », se justifie un employé de la ville.

Des villages laissés à l’abandon

Ces problèmes de recrutement proviennent d’un manque cruel de financement public dans ces petits villages reculés et pauvres, qui ont ainsi du mal à attirer des candidats au casier judiciaire vierge. Seules les personnes en réinsertion sont prêtes à travailler pour un salaire aussi faible que ceux qui leur sont proposés. Alors qu’un fonctionnaire de police est payé 33 dollars de l’heure à Anchorage, la plus grande ville d’Alaska, ils ne peuvent espérer que 14 dollars dans les plus petits villages de la région.

Ce problème a donc obligé les communautés à assouplir leurs critères de recrutement pour attirer de futurs policiers et à être moins regardant sur leur CV ou leur casier judiciaire. Mais pour l’Anchorage Daily News, il y a également un problème de suivi et de contrôle de ces agents d’un genre particulier : « Personne ne sait qui sont ces agents, où ils travaillent, si leurs antécédents ont été vérifiés ou s’ils ont reçu une formation. »

« Ce n’est qu’une petite partie d’un problème très sérieux », explique Kyle Hopkins, l’auteur de l’article, à la radio publique américaine NPR. Le journaliste décrit « un système de justice à deux vitesses, dans lequel les habitants des communautés les plus éloignées d’Alaska ne bénéficient pas du même niveau de protection et de services de sécurité publique que ceux qui vivent dans les villes ».

Des enquêtes mal conduites

Le problème est, en effet, bien plus vaste que le seul profil des recrues. Dans une première enquête publiée en mai, l’Anchorage Daily News et ProPublica avaient ainsi déjà révélé qu’une communauté sur trois en Alaska n’avait aucun policier local alors qu’elles sont particulièrement isolées :

« Beaucoup [de ces villages] se trouvent dans les régions où les taux de pauvreté, d’agression sexuelle et de suicide sont parmi les plus élevés des Etats-Unis. La plupart ne sont accessibles que par avion, bateau, véhicule tout-terrain ou motoneige. Cela signifie que, contrairement à ce qui se passe ailleurs aux Etats-Unis, l’aide d’urgence prend des heures, voire des jours. »

En juin, le procureur général des Etats-Unis, William Barr, a été contraint de déclarer « l’urgence policière » dans une partie de la région en annonçant une aide de 10,5 millions de dollars.

Les infrastructures de sécurité en Alaska sont le plus souvent précaires, comme ici à Stebbins.
Les infrastructures de sécurité en Alaska sont le plus souvent précaires, comme ici à Stebbins. Bill Roth / AP

En attendant que la situation s’améliore, les tribunaux d’Alaska doivent prononcer des jugements sur la foi d’enquêtes mal conduites. Avec des conséquences qui peuvent être dramatiques. Selon le directeur du conseil des normes de la police d’Alaska, Bob Griffiths, lorsqu’une affaire repose sur l’interpellation d’un suspect par un policier non formé qui a, en outre, un casier judiciaire, les procureurs sont parfois tentés d’abandonner les poursuites ou de minorer les accusations.

« On peut voir des cas de violence conjugale requalifiés en harcèlement », explique-t-il. Ce que confirme Jone Earthman, procureur de Nome, ville située aux confins de l’Alaska, qui a été confronté à des affaires où des agents de police oublient parfois de verser au dossier des preuves importantes, telles que des enregistrements d’audition.

Le profil des recrues n’est qu’un des problèmes auxquels sont confrontés les pouvoirs publics d’Alaska. De nombreux villages de la région n’ont ainsi pas de logement pour la police, pas de cellules de prison sécurisées ni de bâtiment de sécurité publique. Lorsque le procureur général des Etats-Unis s’est rendu dans l’Etat, il y a quelques semaines, pour constater par lui-même l’ampleur du problème, il a jugé que les carences des services de sécurité de la région figuraient parmi les besoins les plus pressants en matière de sécurité publique aux Etats-Unis.

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