Karl Lagerfeld et Choupette, histoire d’une succession franco-allemande

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Pour permettre à sa chatte d’hériter d’une partie de sa fortune, le célèbre couturier, mort mardi, a dû ruser avec le droit français.

Par Jérôme Porier et Nathalie Cheysson-Kaplan Publié aujourd’hui à 18h06, mis à jour à 18h12

Temps de Lecture 3 min.

Des figurines de Karl Lagerfeld tenant dans ses bras sa chatte Choupette.
Des figurines de Karl Lagerfeld tenant dans ses bras sa chatte Choupette. BARBARA SAX / AFP

Mort le 19 février à l’âge de 85 ans, Karl Lagerfeld avait déclaré à plusieurs reprises avoir pris toutes les précautions pour subvenir aux besoins de sa chatte birmane Choupette. Mais comment le célèbre couturier a-t-il procédé, sachant qu’il était résident français et que la loi française n’autorise pas les legs à un animal de compagnie ?

Première possibilité : sachant que cette pratique est autorisée en Allemagne et que Karl Lagerfeld était de nationalité allemande, la solution la plus simple pour lui était de demander dans son testament que la loi allemande s’applique. En effet, par défaut, c’est la loi du pays de résidence qui s’applique, donc la loi française dans son cas.

Une autre possibilité consiste à réaliser un legs avec charge : Karl Lagerfeld a pu désigner par testament une personne de confiance pour lui léguer une partie de sa fortune à condition que celle-ci prenne soin du félin jusqu’à son décès. Une variante consiste à faire un legs à une association de protection des animaux qui s’occupera du chat, ou à créer une fondation dont la mission consiste à veiller au bien-être de l’animal.

Legs à la SPA, en 2018, de 33 millions d’euros

En France, cette pratique est courante. A la Société de protection des animaux (SPA), les legs ont représenté en 2018 environ 33 millions d’euros, soit 70 % des recettes de l’organisme. « En cas de legs, nous prenons soin de l’animal au décès de son maître, même lorsque le testament ne le demande pas », indique Ingrid Fontaine, responsable du service des libéralités à la SPA.

Plus de 90 % des personnes qui font un legs à la SPA n’ont pas d’enfant

Une précision : plus de 90 % des personnes qui font un legs à la SPA n’ont pas d’enfant. Car ces stratégies se heurtent à un principe de base du droit français : la réserve héréditaire. En France, lorsqu’une personne meurt, ses biens sont répartis entre son conjoint survivant et ses enfants. Si tous les enfants sont communs au couple, le survivant a le droit au quart de la succession en pleine propriété ou à la totalité en usufruit ; les enfants recevant les trois quarts en pleine propriété ou la totalité en nue-propriété. Le partage est effectué entre eux à parts égales.

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Lorsque des enfants sont nés d’une ou de plusieurs unions précédentes, le conjoint survivant reçoit le quart en pleine propriété, sans possibilité d’option. Les enfants se partagent les trois quarts restants par parts égales. Tous les enfants ont les mêmes droits, qu’ils soient nés de la dernière union de leur père ou mère décédé ou d’une union précédente, que ce soient des enfants biologiques ou adoptés.

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Il est possible d’aménager ces règles, mais une part de la succession doit obligatoirement revenir aux enfants : la réserve héréditaire. A hauteur de cette part, il n’est pas possible de les déshériter. La réserve dépend du nombre d’enfants : elle est égale à la moitié de votre succession, si vous avez un enfant. Aux deux tiers de votre succession – soit un tiers pour chacun de vos enfants – si vous en avez deux. Et aux trois quarts si vous avez trois enfants ou plus.

Cela signifie que vous pouvez léguer l’autre part appelée « quotité disponible » – la moitié, le tiers ou le quart restant selon votre situation – à qui vous le souhaitez : une personne extérieure à votre succession ou encore un enfant que vous souhaitez favoriser par rapport aux autres.

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Par exemple, si vous avez deux enfants, il est parfaitement possible de prévoir que l’un héritera du tiers de votre succession tandis que l’autre recevra les deux tiers. Mais vous ne pouvez pas prévoir que la totalité de votre succession ira à un seul de vos enfants.

Dans le cas de Karl Lagerfeld, la mise en place de telles stratégies a pu être grandement facilitée par le fait que le couturier n’avait pas d’enfant.

Jérôme Porier et Nathalie Cheysson-Kaplan

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