les Européens appréhendent l’arrivée de Boris Johnson au pouvoir

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Boris Johnson au siège du Parti conservateur, à Londres, le 23 juillet.
Boris Johnson au siège du Parti conservateur, à Londres, le 23 juillet. TOBY MELVILLE / REUTERS

L’arrivée de Boris Johnson au pouvoir au Royaume-Uni est tout sauf une surprise. Elle n’en donne pas moins des frissons aux Européens, tant le nouveau premier ministre britannique semble prêt à durcir le ton pour mener enfin le Brexit dont il s’est fait le héraut depuis 2016. Pendant la campagne au sein des tories, n’a-t-il pas promis de sortir de l’Union européenne (UE) « coûte que coûte » d’ici au 31 octobre, quitte à aller vers un « no deal » synonyme de rupture brutale avec les Vingt-Sept ?

En dépit de la clarté des slogans adressés par l’intéressé aux adhérents tories pour asseoir sa victoire, ce que fera réellement Boris Jonhson au pouvoir reste un mystère susceptible paradoxalement de donner un peu d’espoir aux dirigeants européens, dans la mesure où l’ancien ministre des affaires étrangères de Theresa May est réputé versatile, pragmatique et opportuniste. « C’est un responsable politique qui a incarné des positions, des valeurs et une vision de la société très différentes au cours de sa carrière. Il a changé son fusil d’épaule plusieurs fois et parfois rapidement », juge Alexandre Holroyd, député (La République en marche) des Français établis au Royaume-Uni et dans le Nord de l’Europe.

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Revenant à Bruxelles sur le terrain de ses « exploits » journalistiques – il fut correspondant du Daily Telegraph de 1989 à 1994 – mais aussi sur les lieux où il a officié en tant qu’éphémère chef de la diplomatie britannique, un Boris Johnson premier ministre s’y comportera-t-il toujours comme un trublion, à l’instar d’un Donald Trump dont il paraît s’inspirer ? Comme le semeur d’un « chaos inutile », ainsi que l’écrivait The Guardian ou comme « l’enfant » décrit par The Times, du temps où il était ministre ?

« Les Britanniques décideront et leur premier ministre avisera »

« Vous voulez vraiment parler de cela ? », s’étrangle un responsable des institutions lorsqu’on l’interroge sur l’accueil qui sera réservé au successeur de Theresa May s’il débarquait dans la capitale belge, soit avec l’espoir d’une renégociation, soit pour acter un « Brexit dur », sans accord entre les deux parties à la fin octobre, ce qui exclurait le Royaume-Uni de l’Union douanière et du marché unique. « Les Britanniques décideront et leur premier ministre avisera. On verra s’il tient toujours le même discours », précise une autre source. Un porte-parole ironise, sous le couvert de l’anonymat : « Johnson ? Bof… Nous avons déjà dû affronter beaucoup de cas compliqués. »

Pour Bruxelles, pas de renégociation

Pas question, en tout cas, d’une renégociation de l’accord de retrait mis au point par Michel Barnier, martèle-t-on à Bruxelles, où certains ne cachent pas leur énervement face aux discours des Brexiters les plus radicaux sur la possibilité de « faire plier Bruxelles » ou d’obtenir des négociations bilatérales avec Paris et Berlin pour contourner les institutions. L’idée d’une discussion directe entre Londres et Dublin qui permettrait d’éviter la mise en place d’une barrière douanière entre les deux pays hérisse, elle aussi.

Les experts ne cachent pas leur réticence à commencer des débats avec un responsable qui n’a, par ailleurs, jamais hésité, au fil de sa carrière, à répandre des mensonges sur l’Europe. Ou qui a menacé de ne pas payer la dette de son pays à l’Union – de 40 à 45 milliards d’euros – s’il n’obtenait pas des conditions de départ plus favorables. « Tout au plus pourrait-on aménager la déclaration politique à propos de la relation future », indique un diplomate. Certains y voient une façon de répondre aux soucis de fond du nouveau premier ministre, lui permettant de brandir, par exemple, la perspective d’un accord de libre-échange inspiré de celui négocié avec le Canada.

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Mardi midi, le premier vice-président de la Commission Juncker, Frans Timmermans, a ironisé à propos de « Bojo » : « Il a mis du temps à se décider s’il était pour ou contre le Brexit, maintenant sa position est claire. Je pense que la position de l’Union est tout aussi claire », a-t-il indiqué.

Le groupe de suivi du Brexit au Parlement européen a, de son côté, prévu une réunion extraordinaire mercredi avec Michel Barnier « pour répondre à l’élection de Boris Johnson », a expliqué son président, le libéral belge Guy Verhofstadt sur Twitter.

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Sans attendre sa prise de fonction, la présidente élue de la Commission européenne, l’Allemande Ursula von der Leyen, s’était quant à elle dite « prête » à accorder un nouveau délai à Londres, au-delà du 31 octobre, si les Britanniques avançaient de « bonnes raisons » (sans préciser lesquelles). « De nouvelles élections, voire un nouveau référendum, ou une modification des lignes rouges britanniques pourraient justifier un nouveau report, dit un haut diplomate allemand. Il faut faire le maximum pour éviter un no deal, sans garantir de l’éviter pour ne pas être piégés par la menace mise en avant par le nouveau chef des tories. »

En Allemagne, une image dégradée

En Allemagne, la perspective de voir Boris Johnson devenir premier ministre suscite une inquiétude particulière, liée d’abord à sa personnalité. « C’est amusant de discuter avec lui, oui, intellectuellement c’est amusant. Mais de là à ce qu’il dirige un pays ? », déclarait récemment le conservateur allemand Elmar Brock (CDU), député européen de 1980 à 2019, à The Independent.

« Johnson incarne tout ce que les Allemands détestent : le dilettantisme, l’imprévisibilité, le non-respect de la parole donnée »

Entre Theresa May et Angela Merkel, les relations n’ont pas toujours été faciles, mais au moins les deux femmes, toutes deux filles de pasteur, se comprenaient. Avec le nouveau chef du Parti conservateur britannique, la chancelière allemande ne peut imaginer tempérament plus étranger au sien. « Johnson incarne tout ce que les Allemands détestent : le dilettantisme, l’imprévisibilité, le non-respect de la parole donnée. Ce qu’il suscite en Allemagne est beaucoup plus émotionnel qu’ailleurs. On est presque dans le registre du dégoût, comme avec Trump », observe Mark Leonard, directeur de l’European Council on Foreign Relations.

Boris Johnson à Londres, lors de la campagne pour le Brexit, le 24 juin 2016.
Boris Johnson à Londres, lors de la campagne pour le Brexit, le 24 juin 2016. MARY TURNER / AFP

Politiquement, Boris Johnson incarne également ce que le gouvernement allemand redoute le plus : un Brexit dur voire la tentation d’un « no deal », bref, tout ce que Berlin cherche à éviter, bien davantage encore que la France, ainsi que l’ont montré les divergences entre Emmanuel Macron et Angela Merkel lorsqu’il fut question d’accorder un délai supplémentaire à Londres pour sortir de l’UE, lors du sommet européen du 10 avril, à Bruxelles.

Lire son portrait : Boris Johnson, un faux « neuneu » au pouvoir

Signe révélateur de l’image particulièrement dégradée de Boris Johnson en Allemagne : pendant la campagne des élections européennes, en mai, le Parti social-démocrate (SPD) a utilisé la fameuse photo de 2012 où on le voit suspendu à une tyrolienne, casqué et harnaché, deux drapeaux britanniques à la main, barrée de ces mots : « Brexit ? L’Europe est la réponse. » « En Allemagne, la perspective de voire le Royaume-Uni sortir de l’Europe est beaucoup plus traumatisante qu’en France, d’où la crainte encore plus forte de le voir devenir premier ministre », explique Mark Leonard.

Entre Boris Johnson et l’Allemagne, les relations n’ont pourtant pas toujours été aussi rugueuses. En 2013, celui qui était alors maire de Londres avait publié, dans le Telegraph, une déclaration d’amour à l’Allemagne, célébrant la « réunification comme l’un des plus grands succès de l’histoire contemporaine », et affirmant que « s’[il] avai[t] vingt ans et qu’[il] devai[t] quitter Londres, c’est à Berlin qu’il s’installerait ». A cette époque, Boris Johnson ne manquait pas une occasion de montrer qu’il parlait quelques mots d’allemand, et aimait rappeler que sa seconde épouse, Marina Wheeler, dont il est aujourd’hui séparé, était née à Berlin.

Les choses se sont ensuite gâtées. Pendant la campagne du référendum sur le Brexit, en mai 2016, Boris Johnson a accusé l’Allemagne de vouloir dominer l’Europe, d’« affaiblir » l’Italie et de « détruire » la Grèce, allant jusqu’à comparer l’Union européenne à l’Europe de Napoléon et Hitler. D’Angela Merkel à Emmanuel Macron, le parallèle a pu choquer des dirigeants qui l’attendent désormais de pied ferme.

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