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Kaveh Kazemi / Getty Images/AFP
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Cette avocate de 56 ans est aujourd’hui la prisonnière la plus célèbre de la République islamique. Son cas fait l’objet d’une mobilisation importante à l’étranger.
Elle a recopié sa sentence à la main. C’est la procédure dans les tribunaux révolutionnaires iraniens. La somme des peines donne le tournis : sept ans et six mois de prison pour « collusion en vue de nuire à la sécurité nationale », 74 coups de fouet pour être apparue sans voile en public, un an et six mois pour « acte de propagande contre l’Etat », sept ans et six mois pour « appartenance à un groupe illégal », trois ans et 74 autres coups de fouet pour diffusion de fausses informations, deux ans pour trouble à l’ordre public et douze ans pour avoir encouragé la « corruption » et la « dépravation ». Cette dernière peine, la plus lourde, s’impose aux autres. Nasrin Sotoudeh, avocate et militante des droits humains, devra donc passer les douze prochaines années de sa vie entre les murs de la prison d’Evin, à Téhéran. Au risque d’en faire une martyre, la justice de son pays a résolu de faire disparaître cette quinquagénaire au visage pâle et osseux.
Peu d’Iraniens ignorent son parcours, riche de plus d’un quart de siècle de combats. Née quinze ans avant la révolution de 1979, Nasrin Sotoudeh a grandi dans la petite classe moyenne du centre de Téhéran. Son père, un commerçant sans éducation, fut, dit-elle, malheureux de voir naître une fille. Sa mère est pieuse et porte le voile, mais sans l’imposer à cette adolescente retorse et brillante. A l’examen national d’entrée à l’université, celle-ci arrivera dans le peloton de tête : 53e sur 300 000 candidats. Elle fera du droit, discipline prestigieuse et masculine ; surtout depuis la révolution et la prise de contrôle par des clercs de l’institution judiciaire.
En pleine guerre contre l’Irak (1980-1988, plus de 500 000 morts des deux côtés), ceux-ci bricolent un fatras législatif fondamentalement hostile aux femmes. Un peu de droit divin, beaucoup de droit du plus fort, une marge effrayante pour l’arbitraire. La jeune Nasrin, elle, trace sa voie à l’université Chahid-Behechti, où elle s’affirme féministe et laïque. Un drôle d’oiseau dans l’Iran de ces années-là. Diplômée en 1995, elle est déjà suspecte, et signalée par ses professeurs comme « élément perturbateur ». Le barreau de Téhéran la fera lanterner huit ans avant de lui accorder le droit d’exercer.
L’intelligentsia de Téhéran
Pour vivre, elle écrit dans des journaux réformateurs. Elle y croise un graphiste, Reza Khandan, qu’elle épouse bientôt. Tous deux respirent l’air de liberté qui souffle dans le pays après l’élection du président Mohammad Khatami (1997-2005). Ils croient à la capacité de ce religieux, entouré d’esprits progressistes, de réformer le « système »… Leur déception, face à son échec, ne s’effacera jamais. Enfin admise dans les tribunaux, Me Sotoudeh lutte contre la peine de mort, notamment celle infligée à des jeunes gens pour des faits commis lorsqu’ils étaient mineurs. Et tant pis s’il n’y a que des coups à prendre, à soutenir ces anonymes, pauvres le plus souvent, dans de lointaines provinces. « L’hiver dernier [en 2018], elle défendait un jeune condamné à mort à Chiraz, dans le sud du pays, se souvient, à Paris, son vieil ami Abdolkarim Lahidji, président d’honneur de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH). La veille de l’exécution, elle avait fait la route de nuit depuis Téhéran, pendant une dizaine d’heures. Elle est arrivée trop tard. Ce soir-là, elle m’a appelé. Elle pleurait comme si elle avait perdu son propre enfant. »
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