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Métissage spirituel entre animisme subsaharien et mystique soufie du Maghreb, le stambali peine à survivre en Tunisie.
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LETTRE DE TUNIS
Les youyous retentissent au milieu du cliquetis aigre des shqaqshiq, ces crotales de fer secouées par le percussionniste. Le rythme est nerveux, haché, saccades métalliques vrillant l’air tiède du patio de Dar Bach Hamba, demeure palatiale de la médina de Tunis.
Assis en tailleur sous l’arcade, Salah Ouergali, le maître de cérémonie, pince avec entrain les trois cordes de son gumbri, luth issu des terres d’Afrique subsaharienne. Au pied de colonnes, des brûle-parfum exhalent leurs effluves entêtants.
En face de la petite troupe de musiciens, le public, initialement sagement assis sur des tapis, s’est levé à mesure que l’ambiance s’est embrasée. Les corps se trémoussent, oscillent de gauche à droite, de haut en bas, silhouettes ondulantes ou brisées. La transe engloutit les plus possédés qui finissent par s’effondrer au sol, jambes tremblantes.
Esprits et saints
Ce soir-là, le groupe de Salah Ouergali exécutait une prestation de stambali à l’invitation de l’Art-Rue, l’association dont le siège – Dar Bach Hamba – est la matrice d’une multitude d’initiatives visant à réveiller une médina de Tunis qui s’était assoupie avec le temps.
Le stambali est une tradition menacée en Tunisie, victime du désintérêt des pouvoirs publics et de l’érosion des communautés traditionnelles au sein desquelles il avait jadis prospéré. A la fois art musical et culte thérapeutique par la transe, ainsi que le définit l’ethnomusicologue Richard Jankowsky, le stambali est la version tunisienne d’un syncrétisme qui s’est noué au Maghreb entre traditions animistes – importées par les anciens esclaves venus d’Afrique subsaharienne – et mystique soufie.
Au Maroc, le rituel est connu le nom de gnaoua et en Algérie diwan. Il met la musique au service d’une thérapie « adorciste » (opposée à l’exorcisme) permettant à des esprits ou à des saints d’entrer en possession d’un patient afin de sceller une alliance curative, un pacte à reconduire éventuellement au fil du temps. Il s’accompagne en général du sacrifice d’animaux (coq, chèvres…).
Salah Ouergali, quinquagénaire au sourire doucereux, est l’un des derniers initiés qui survivent à Tunis. Quelques jours après la prestation de Dar Bach Hamba, nous le retrouvons dans son réduit de la rue du Pacha, venelle restaurée de la médina qui sinue de la mosquée de la Zitouna vers le quartier de Bab Souikha. L’antre du maître stambali est tapissé de luths, de tambours, de cymbales et d’amulettes. Sur une étagère est posée une cage où s’ébroue un canari. La pénombre est traversée de sonorités blues s’échappant d’une petite enceinte. « Le blues trouve son origine dans le stambali », sourit Salah Ouergali.
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