L’isolement diplomatique de la Syrie se relâche

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Bachar Al-Assad accueille le président soudanais, Omar Al-Bachir, à Damas, le 26 décembre 2018.
Bachar Al-Assad accueille le président soudanais, Omar Al-Bachir, à Damas, le 26 décembre 2018. STRINGER / AFP

« Même si c’est votre ennemi, vous ne pouvez pas couper tout lien avec lui, au cas où vous auriez besoin de lui. » Voilà ce qu’a déclaré le président turc, Recep Tayyip Erdogan, à propos de son homologue syrien Bachar Al-Assad, dimanche 3 février. Lors d’une allocution à la télévision, M. Erdogan a ainsi reconnu que son gouvernement avait gardé un contact avec Damas au niveau sécuritaire. Même si ce ne sont que des échanges à « bas niveau », il s’agit de la première confirmation de tels liens directs entre Ankara et Damas. C’est un nouveau revirement pour celui qui a hébergé l’opposition syrienne et parié sur la chute du pouvoir Assad durant plusieurs années.

Longtemps mis au ban de la communauté internationale, le régime syrien semble être redevenu un interlocuteur fréquentable au moins pour les pays de la région, qui poursuivent ainsi leurs luttes d’influence. Si la Turquie se rapproche un peu de Damas – pour contrer les Emirats arabes unis, qui ont rouvert leur ambassade en Syrie fin décembre 2018 – et de l’Arabie saoudite, une solidarité se met en place entre les pays arabes inquiets de la présence turque dans le nord de la Syrie.

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Près de huit ans après le début de la guerre, des pays retissent peu à peu des liens avec le pays, à l’heure où le régime reprend possession de ses territoires. Pour Fabrice Balanche, spécialiste de la Syrie et directeur de recherche à l’université Lyon 2, trois facteurs peuvent expliquer la fin toute relative de cet isolement diplomatique : le ralliement « sans état d’âme » au vainqueur de la guerre, la volonté de contrer la Turquie et les Frères musulmans, et la nécessité d’éviter que les Iraniens aient les mains libres en Syrie, comme cela a été le cas en Irak.

Les Emirats ont rouvert leur ambassade quelques jours après la visite surprise du président soudanais Omar Al-Bachir à Damas – la première d’un chef d’Etat arabe dans la capitale syrienne depuis 2011. La nuit suivante, un autre pays du Golfe, Bahreïn, signifiait également son intention de rouvrir sa mission diplomatique dans la capitale syrienne.

Appel au retour dans la Ligue arabe

« La reprise des activités à l’ambassade, c’est une invitation pour la reprise des relations et la réouverture des autres ambassades arabes », indiquait alors le chargé d’affaires émirati Abdel Hakim Al-Naïmi. Les Emiratis, comme les autres pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG), avaient pourtant annoncé, en 2012, la rupture de leurs relations diplomatiques avec la Syrie, en dénonçant le « massacre collectif » commis par le régime de Bachar Al-Assad.

Plus récemment, l’appel lancé par l’Irak, le Liban et la Tunisie en faveur d’un retour de la Syrie dans la Ligue arabe, dont elle avait été suspendue en 2011, prouve une nouvelle fois la volonté des pays arabes de se rapprocher de Damas.

Au-delà des pays arabes, le régime syrien, conforté par les victoires obtenues avec l’aide des Russes et des Iraniens, a également annulé les visas spéciaux dont bénéficiaient les diplomates européens voyageant régulièrement entre Beyrouth et Damas afin d’inciter les gouvernements européens à rouvrir eux aussi leurs ambassades dans la capitale syrienne. La Roumanie et la République tchèque n’ont jamais fermé les leurs. L’Autriche et la Hongrie envisageraient de renouer officiellement avec Damas. « Combien de temps l’Union européenne va-t-elle empêcher la normalisation des pays européens avec Damas alors que Bachar Al-Assad a gagné ? », s’interroge Fabrice Balanche.

« Un criminel de guerre »

La question est controversée, dans la mesure où de nombreuses capitales européennes dont Paris, Londres et Berlin, n’ont pas caché, à l’instar de Washington, qu’elles souhaitaient le départ de Bachar Al-Assad. Elle se pose néanmoins, au moment où les forces pro-gouvernementales syriennes contrôlent désormais près des deux tiers du pays. « Je pense que cette année marquera la fin de la guerre même si Bachar Al-Assad n’a pas encore repris le nord-est du pays et la poche d’Idlib, explique Fabrice Balanche. Les rebelles ont perdu. »

Si la Syrie sort peu à peu de son isolement diplomatique, de nombreux gouvernements continuent de s’opposer farouchement au régime, accusé de crimes contre l’humanité par l’ONU. Reçu par le chef de l’Etat libanais Michel Aoun, le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, affirmait lundi 11 février que la question de la « réintégration de la Syrie au sein de la Ligue arabe n’était pas encore à l’ordre du jour de la prochaine réunion des ministres des Affaires étrangères de l’organisation », selon L’Orient-Le Jour.

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Comme l’Arabie saoudite, toujours réticente à une normalisation avec la Syrie, le Qatar refuse de se rapprocher du « criminel de guerre » Bachar Al-Assad : « La normalisation avec le régime syrien à ce stade signifie une normalisation avec une personne impliquée dans des crimes de guerre, ce qui est inacceptable », a déclaré mi-janvier cheikh Mohammed ben Abderrahmane Al-Thani, le ministre des affaires étrangères émirati, lors d’une conférence de presse à Doha.

Du côté de l’opposition, cette « normalisation » suscite également l’inquiétude, le négociateur en chef de l’opposition syrienne, Nasser Al-Hariri, s’étant dit « surpris » de voir certains pays reprendre leurs relations avec le régime, les appelant à « revoir leur décision ».

La position de la France reste ferme : une « normalisation ou banalisation » de la situation en Syrie serait « irresponsable », a récemment affirmé Emmanuel Macron.

Léa Masseguin

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