« La lutte politique aujourd’hui en Chine, c’est celle contre l’idée occidentale »

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Le dissident Liu Xiaobo, Prix Nobel mort en prison en 2017, en défendant une libéralisation progressive, faisait craindre au pouvoir chinois un scénario à la Gorbatchev, estime dans sa chronique Alain Frachon, éditorialiste au « Monde ».

Publié aujourd’hui à 11h52 Temps de Lecture 4 min.

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A Kashgar (Chine), le 4 juin.
A Kashgar (Chine), le 4 juin. GREG BAKER / AFP

Cette histoire en dit long sur les peurs du Parti communiste chinois (PCC). Elle est la part d’ombre du succès de la Chine de ces trente dernières années, facette sombre mais inséparable d’un pays en passe de devenir la plus grande puissance du monde. C’est l’histoire d’une confrontation inégale.

D’un côté, Liu Xiaobo, lettré, pacifiste, légaliste, défenseur déterminé et réfléchi des libertés publiques. De l’autre, le PCC, 85 millions d’adhérents, détenteur de l’appareil d’Etat et bien décidé à en conserver le monopole. Le rapport de force est clair. Pour sa participation au mouvement en faveur de la démocratie, Liu aura le prix Nobel de la paix mais mourra d’un cancer mal ou pas soigné en prison. Le PCC a gagné.

Pourtant l’évocation de ce seul nom – Liu Xiaobo – inquiète toujours le pouvoir chinois. La plus infime référence aux événements de la place Tiananmen à Pékin – quand l’armée écrase, le 4 juin 1989, un vaste rassemblement pour la démocratie – est tout aussi redoutée. La machine politique pékinoise a beaucoup investi pour faire disparaître ce nom et cette manifestation de la mémoire collective du pays. Cette toute-puissante techno-autocratie a appuyé sur la touche « Suppr » du clavier à mille touches à sa disposition pour rayer de l’histoire un homme et un événement.

La Chine de 2019, géant économique, technologique et bientôt militaire, est l’aboutissement d’un effort admirable – et qui n’a pas été assez raconté. En un demi siècle, des centaines de millions de Chinois sont sortis de la misère, une vaste classe moyenne est apparue, des villes futuristes ont vu le jour. Un pays épuisé et divisé au crépuscule de la moitié du XXsiècle puis martyrisé par la folie meurtrière maoiste est en passe de reconquérir la place qu’il estime être la sienne : au tout premier rang – comme le raconte Eric de La Maisonneuve dans Les Défis chinois, la révolution Xi Jinping (éditions du Rocher, 344 pages, 19,90 euros). Il y a une naturelle et légitime fierté chinoise.

Dissidence tolérée

Alors pourquoi cette peur du passé ? Quels démons hantent les nuits du dragon ? La réponse à cette question se trouve, en partie, dans le film et le livre importants que Pierre Haski – notre stakhanoviste confrère de France Inter et de L’Obs – a consacrés à Liu Xiaobo : L’Homme qui a défié Pékin (Arte Editions, 220 pages, 19 euros) ; film en replay sur Arte jusqu’au 3 juillet. Réalisé avec le producteur Hikari, le film comporte un document rare : un long entretien avec Liu, discrètement filmé en 2008 à Pékin et qui doit être le dernier témoignage public de cet homme d’exception. Liu porte un blouson de daim beige, boit lentement son thé vert, menton volontaire, propos graves, mesurés : tout, dans cette belle tête et dans cette attitude de grande dignité, reflète le courage d’un homme qui n’ignore rien du prix qu’il va payer pour défendre une sage libéralisation de son pays.

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